Comment identifier le burn-out et mieux le prévenir : tel est l’objet du nouveau guide pratique lancé par la CFE-CGC. Médecin du travail, Martine Keryer dresse un état des lieux sans concession face à la multiplication des cas d’épuisement professionnel. La secrétaire nationale confédérale du secteur santé au travail et handicap rappelle par ailleurs l’incessant combat du syndicat de l’encadrement pour la reconnaissance comme maladie professionnelle d’une pathologie qui s’apparente à “un désastre humain“. Entretien.
A l’occasion du récent salon Préventica à Paris, la CFE-CGC a présenté son nouveau guide pratique sur le burn-out. A qui s’adresse-t-il ?
La CFE-CGC est la première organisation syndicale qui a parlé du stress professionnel et du lourd tribut payé par les salariés de l’encadrement à la surcharge de travail et à l’explosion des risques psychosociaux (RPS). Dédié aux adhérents, aux militants et aux DRH, de plus en plus nombreux à s’emparer d’une problématique complexe, ce guide pédagogique décrit les étapes menant au burn-out afin de mieux l’identifier. Le support est également conçu pour permettre aux délégués syndicaux, en s’appuyant sur le CHSCT, de réaliser dans les entreprises de véritables avancées en matière de prévention.
Comment identifier le burn-out ?
Le burn-out s’apparente à une montagne. Une fois en haut du col, c’est la bascule irrémédiable entraînant six mois, un an ou deux ans d’arrêt de travail. Il y a plusieurs signes récurrents : extrême fatigue, surprésentéisme, hyper-connexion au travail et impossibilité de « décrocher ». Cela occasionne des troubles de concentration, de mémoire. Les sujets deviennent irritables, agressifs.
- “Une mort sociale”
Pour la CFE-CGC, le burn-out – ou syndrome d’épuisement professionnel – s’apparente au mal professionnel du 21e siècle.
Le burn-out, c’est la mort sociale. Dans la majorité des cas, les victimes vont demeurer en invalidité et ne retrouveront pas de travail. C’est un désastre humain qui touche un nombre croissant de salariés du privé et du public. C’est pourquoi la CFE-CGC milite inlassablement, depuis des années, pour la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel comme maladie professionnelle. Le problème étant que les salariés qui en sont victimes sont classés comme dépressifs. Pour les employeurs, seuls des facteurs individuels conduisent les salariés au burn-out.
Pourquoi cette reconnaissance est-elle aujourd’hui indispensable ?
Les dispositifs actuels ne sont pas adaptés. Le stress post-traumatique, l’anxiété généralisée et la dépression n’étant pas inscrits au tableau des maladies professionnelles, le salarié doit prouver que sa maladie est directement et exclusivement liée à sa profession, celle-ci le rendant – au moins partiellement – incapable de retravailler. Reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle placerait la pathologie sur le compte employeur, au même titre qu’un accident de travail. Les entreprises seraient incitées à entamer des actions de prévention. Enfin, cela « déculpabiliserait » le salarié en admettant qu’il est n’est pas malade par hasard mais bel et bien à cause de son travail !
- “La mère de toutes les batailles”
A l’initiative de plusieurs parlementaires (dont Benoît Hamon), le sujet du burn-out est entré à l’Assemblée nationale sous la précédente législature. En vain jusqu’ici…
Les propositions du rapport parlementaire publié en février dernier ont largement fait écho aux positions de la CFE-CGC : mesures de prévention et de prise en charge rapide des patients, inscription de la prévention des RPS dans les négociations obligatoires sur l’égalité hommes-femmes et la qualité de vie au travail, possibilité donnée aux commissions d’instruire les dossiers à partir de 10 % d’incapacité permanente au lieu de 25 % actuellement, etc. Charge désormais au nouveau gouvernement de prendre le relais !
Que peut-on attendre du nouvel exécutif ?
Si le burn-out n’a pas été évoqué par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, nous empressons le gouvernement d’agir sur un dossier devenu un enjeu social et sociétal majeur. La CFE-CGC ne manquera pas de solliciter la ministre du Travail et de faire valoir ses propositions. Comme l’a indiqué notre président confédéral, François Hommeril, le combat pour la reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle est peut-être la mère de toutes les batailles pour notre organisation et les populations que nous défendons.
- “Un broyeur silencieux dont les principales victimes sont les cadres et les salariés de l’encadrement”
Quid des troubles cardiaques liés aux RPS ?
Sous l’impulsion des partenaires sociaux, une porte s’entrouvre s’agissant d’une possible future prise en charge, au titre de maladie professionnelle, des risques cardio-vasculaires liés aux RPS. La CFE-CGC pèsera de tout son poids en ce sens car, là encore, cette pathologie touche largement les salariés de l’encadrement.
Face à la multiplication des cas d’épuisement professionnel, les médecins du travail, dont le rôle de lanceur d’alerte a été largement mis à mal par la loi El Khomri, tirent la sonnette d’alarme. Peut-on quantifier le phénomène ?
Selon la Sécurité sociale, 20 % des arrêts supérieurs à six mois sont dus à des troubles psychologiques liés au travail. C’est énorme ! De son côté, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) indique que 150 000 personnes sont touchées chaque année. Le burn-out est un broyeur silencieux dont les principales victimes sont les cadres et les salariés de l’encadrement, soumis à une pression et à une charge de travail toujours plus soutenues.
Peut-on guérir d’un burn-out ?
D’après mon expérience de médecin du travail, je ne crois pas. S’il est possible de récupérer ses fonctions cognitives (concentration, mémoire…), l’organisme ne s’en remet jamais véritablement. Le plus souvent, les individus sont amenés à réorienter leur vie, à changer d’emploi.
Propos recueillis par Mathieu Bahuet