Près de 350 personnes (dont une centaine en streaming) ont assisté ce mercredi 14 juin à la table ronde « Intelligence artificielle : l’éthique à la croisée des RH et du big data », organisée par la CFE-CGC à la Cité des Sciences et de l’Industrie, en partenariat avec la CNIL. L’occasion d’illustrer les multiples formes et domaines d’intervention de l’IA dans les RH, mais de souligner également la jeunesse de la thématique et ses enjeux majeurs, susceptibles d’impacter fortement la vie des salariés.
Pour nourrir sa réflexion sur les enjeux de l’Intelligence artificielle dans les RH, la confédération a lancé un questionnaire sur le sujet. Avec 1263 répondants, à majorité adhérents ou militants CFE-CGC, les informations collectées apportent un éclairage supplémentaire et… quelques surprises.
Les cadres et l’IA : quelques données chiffrées
C’est Alain Giffard, secrétaire général de la CFE-CGC, qui a présenté les résultats les plus marquants lors de son intervention d’ouverture. « Les cadres et l’encadrement sont plus sensibles à la problématique de l’intelligence artificielle que la population générale : 67% savent exactement de quoi il s’agit et 75% considèrent que l’IA est déjà dans notre vie quotidienne. Pour autant, seuls 20% des répondants disent utiliser ces outils dans leur travail », a souligné Alain Giffard.
En revanche, l’utilisation de l’IA dans la gestion RH et le recrutement semble moins connu des répondants. « Seul 20% d’entre eux savent précisément comment l’intelligence artificielle entre dans le processus de recrutement. Ils restent d’ailleurs assez méfiants quant à son intégration. Ils sont 72% à ne pas souhaiter que les algorithmes prennent une part plus importante dans ces recrutements, y voyant principalement la perte du contrôle humain ».
Il va falloir beaucoup de pédagogie pour rassurer les salariés et mieux les informer sur l’utilisation de ces nouvelles méthodes. Mais chacun est bien conscient que l’on ne pourra pas y déroger à l’avenir.
L’absolue nécessité d’une réflexion éthique
Après ces quelques mots d’introduction, les six intervenants conviés à table ronde ont régalé durant deux heures les participants d’interventions riches, illustrées de multiples exemples concrets. Réunis autour de la table : Laurence Devillers professeure à l’université Paris Sorbonne et chercheure au LIMSI-CNRS, Bénédicte Ravache secrétaire générale de l’ANDRH, François GEUZE consultant expert CAP GPS RH, Jean Christophe Sciberras directeur des RH France et directeur des relations sociales Corporate de Solvay, Jeremy Lamri Pdg de Monkey Tie – fondateur du Lab RH, et Charles Huot, président de la commission connaissance au sein du pôle compétitivité Cap Digital [NDLR : retrouvez les principaux extraits de leurs interventions en ligne dès le 10 juillet prochain].
Après avoir présenté différents outils liés à l’intelligence artificielle dans les entreprises – et notamment au sein des RH -, et l’impact de l’IA sur la gestion des connaissances et des compétences dans l’entreprise, les intervenants ont évoqué la mise en place de ces outils par l’apprentissage, ses limites et les adaptations nécessaires pour son bon fonctionnement.
Des interventions marquées par trois constats :
- le big data dans les RH n’en est qu’à ses balbutiements ;
- ces technologies doivent être apprivoisées et expérimentées pour être utilisées à bon excient ;
- la démarche doit s’accompagner d’une véritable réflexion éthique.
Libération ou asservissement ?
En clôture des travaux, François Hommeril, président de la CFE-CGC, a remis l’Intelligence artificielle en perspective. Faisant référence à l’une des plus grandes grèves du XXème siècle, qui, il y a 60 ans, a mobilisé durant des mois les opérateurs de téléphonie des Etats-Unis, inquiets de voir disparaître leur emploi, voire leur métier avec l’automatisation des centraux téléphoniques, il a rappelé que le progrès est inéluctable. « A la fin du siècle, une étude universitaire calculait que pour traiter le flux des télécommunications constaté aux conditions de l’après-guerre, la totalité de la population américaine n’y suffirait pas. Cette histoire donc est édifiante : elle nous apprend que le progrès accroit principalement les besoins et les moyens pour y faire face, dans un ordre qui n’a pas fini de faire débat. L’automatisation, la robotisation, la numérisation décrivent dans des environnements spécifiques les opérations constitutives de la productivité qui fait la croissance au sens classique du terme. Et il en est ainsi depuis l’invention du métier à tisser, du tracteur, puis du transistor. Une ligne parfois chahutée nous emporte vers le monde du toujours plus, dans lequel le philosophe nous invite à réfléchir au toujours plus de quoi ? »
Quid, dans ce contexte, de l’intelligence artificielle, dont on dit qu’elle est déjà là sans que l’on puisse définir clairement un avant et un après. « La question que nous avons voulu poser est une question syndicale. L’intelligence artificielle que l’on pourrait autrement dénommer la robotisation de l’intelligence, va-t-elle nous libérer d’un travail fastidieux et non valorisant ou va-t-elle nous asservir à son désir maitre et absorber nos compétences ? » La question est désormais posée.
Des échanges denses, donc, qui ont pu se poursuivre de manière plus informelle autour d’un coktail, puis lors de la visite de l’exposition « Terra Nova » (ouverte jusqu’au 7 janvier prochain à la Cité des sciences), proposée en accès gratuit à l’ensemble des participants à la table ronde.