Alors que son examen à l’Assemblée nationale est maintenant achevé, force est de constater que la loi Pacte n’intègre toujours pas à ce stade les mesures essentielles au redressement de notre économie. Inquiétant, puisque le vote solennel en première lecture est prévu ce 9 octobre.
L’efficacité de notre économie et sa capacité à créer des emplois sont fortement influencées par le comportement des grandes entreprises. Malheureusement, leur stratégie vise trop souvent à maximiser le rendement actionnarial à court terme, au détriment de leur développement à long terme et de leur volume d’investissements en France – investissement pourtant essentiels pour assurer un bon niveau de productivité et un partenariat efficace avec les ETI et PME de leur chaîne d’approvisionnement. C’est pourquoi la CFE-CGC défend que l’amélioration de la gouvernance des grandes entreprises est une clé de notre redressement économique, bien plus efficace que la « souplesse » accordée aux PME, qui sera dans de nombreux cas détournée à leur profit par leurs entreprises clientes.
Les dispositions minimalistes du texte actuel ne permettront pas de faire prévaloir le sens du long terme indispensable dans la gouvernance des grandes entreprises. La définition de leur intérêt propre, la reconnaissance de leurs deux parties constituantes que sont leurs salariés et leurs actionnaires, et la participation d’un tiers de salariés dans leur Conseil d’administration sont des mesures indispensables portées par la CFE-CGC. Face à des créations d’emplois qui restent très faibles alors que notre pays alloue aux entreprises depuis plusieurs années près de 20 Mds d’€ par an de Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), le discours du gouvernement « demandant aux entreprises de jouer le jeu » en réponse à l’adoption en 2017 de mesures favorables aux milieux d’affaires, confine à l’impuissance et à une grave méconnaissance des critères de prise des décisions stratégiques par les dirigeants des grandes entreprises.
L’amendement 1951, qui réduit le salaire plafond de répartition de la participation aux bénéfices de 4 à 3 plafonds de la Sécurité sociale, tente de donner un visage social redistributif à cette loi. Loin d’être anecdotique, il est une preuve supplémentaire de l’ignorance de la réalité du monde des entreprises. Cette mesure sera sans effet dans les petites entreprises ou les salaires dépassant 120 000€/an sont rares. Dans les plus grandes, elle sera de peu d’effet pour les salariés avec les plus bas salaires ; elle omet surtout de prendre en compte les dispositifs spécifiques (attributions d’actions gratuites favorisées depuis la loi Macron d’août 2015 et retraites chapeau) que s’octroient leurs cadres dirigeants. Des compléments de rémunération substantiels, très largement supérieurs au montant de participation plafonné, alors que leur rémunération s’étage de plus de 3 à plus de 30 plafonds. Elle vient donc imposer de prendre aux cadres expérimentés qui s’investissent au quotidien dans leur travail, sans mettre à contribution les dirigeants plus favorisés dont les avantages constituent une charge comptable importante qui vient réduire le résultat, et donc la participation aux bénéfices de tous les autres salariés.
Cette mesure traduit une vision fausse du fonctionnement des organisations – et des grandes entreprises en particulier. Le gouvernement et la majorité parlementaire semblent considérer que seuls les tout premiers de cordée doivent être rémunérés sans limites, au nom qu’ils prendraient toutes les décisions et cela, aux frais de tous les autres salariés et cadres ramenés au rôle de simples exécutants. Pour la CFE-CGC, favoriser cette vision nuit gravement à l’efficacité de nos entreprises, tout comme à l’adhésion et la cohésion de leur corps social. Les salariés de l’encadrement savent bien qu’une entreprise efficace et performante est celle où les décisions se prennent au niveau adapté (et non tout en haut !). Ce qui induit un processus de délégation organisé et une responsabilisation de l’ensemble des salariés (avec au premier rang l’encadrement), qui trouvent ainsi un sens à leur travail.
C’est ce que la CFE-CGC aurait souhaité faire partager aux députés si le président et les rapporteurs de la Commission spéciale avaient daigné organiser un échange sur ce qui construit réellement des entreprises plus efficaces et plus justes.
Pierre Jan – Relations Presse et institutionnelles
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